Lire la chronique de Stéphane Laporte dans La Presse
Publié le 13 octobre 2024
Trouver un service de garde pour ses enfants, c’est plus difficile encore que de trouver une rue lisse à Montréal, de l’harmonie sur les réseaux sociaux, des professeurs dans les écoles, des infirmières sur la Côte-Nord, du fromage dans le Cheez Wiz ou de l’humilité chez Donald Trump.
Alors imaginez trouver un service de garde pour ses enfants handicapés. Ils risquent de recevoir leur premier chèque de pension de vieillesse avant que vous le dénichiez.
Il y a 30 ans cette année, quatre jeunes femmes ont mis en pratique la maxime « On n’est jamais mieux servi que par soi-même ». Elles ont créé un service pour elles-mêmes, et même pour les autres, appelé J’me fais une place en garderie. Une ressource montréalaise pour les parents qui souhaitent que leurs enfants âgés de 0 à 5 ans ayant une déficience motrice fréquentent une garderie.
Quand ces parents tentent, seuls, de trouver un service de garde, ils essuient, la plupart du temps, une légion de refus…
« Ce n’est pas notre vocation. »
« On voudrait bien, mais on n’est pas équipé pour ça. »
« On est complet. »
« Bonne chance ! »
Leur chance, c’est JMFPG. Oui, je sais, le sigle prend de la place, mais c’est justement la mission de l’organisme, trouver de la place. Quand des parents désespérés font appel à J’me fais une place en garderie ou JMFPG, donc, ils ne sont plus seuls. Une de ses intervenantes se rend chez eux, pour entendre leurs besoins.
Quand on est à part, chaque cas est un cas à part. Puis l’organisme se met en mode solution. JMFPG crée une grande chaîne d’entraide, impliquant les parents, le service de garde et le réseau de la santé.
Quand le service de garde accepte un enfant rencontrant des difficultés motrices, l’intervenante se rend aussi dans les installations pour aider l’équipe à adapter le milieu. Bref, on aide autant les parents que le service de garde, tout ça, bien sûr, pour le plus grand bien de l’enfant.
En 2023, J’me fais une place en garderie a soutenu 134 familles ; 89 % des enfants ont intégré un service de garde. Un taux de réussite de 89 %, il n’y a pas beaucoup d’organismes qui peuvent se vanter de ça.
Comment ai-je découvert cette grande œuvre ? Il y a quelques jours, j’ai reçu dans ma boîte de courriels à La Presse un envoi de Nathalie Dubeau, l’une des intervenantes de JMFPG, me demandant joyeusement d’écrire aux membres de son équipe une carte pour leur trentième anniversaire.
J’ai pris contact avec elle, été impressionné par l’ensemble de leurs réalisations, et eu envie de leur écrire la plus belle carte de fête qui soit, pour les aider à aider. Parce que leur cause est vitale.
Comme dirait Martin St-Louis, on ne sait jamais jusqu’où va le plafond de quelqu’un, que ce soit celui de Lane Hutson ou d’un enfant handicapé. Une chose est certaine, quand un enfant handicapé est inclus dans le monde des enfants sans limitations physiques, ça le stimule, ça lui donne des ailes et son plafond devient le ciel.
Il n’y a pas que les enfants handicapés qui bénéficient de cette inclusion, les autres enfants peuvent s’inspirer d’eux pour repousser leurs propres limites.
Parce que tous les humains ont des limites, des combats, des montagnes à gravir, handicapés ou pas. De vivre avec des gens qui ne peuvent les fuir, qui doivent y faire face, dans notre face, est un plus. Les rôles s’inversent. Ce sont les enfants handicapés qui leur montrent le chemin, qui les poussent à se dépasser.
Un médecin a déjà dit que tout se joue avant 6 ans. La mission de J’me fais une place en garderie n’aidera pas ces enfants seulement le temps de la petite enfance, elle les aidera toute leur existence à faire leur place dans la vie. Le précédent étant accompli. Une barrière étant enlevée.
Et les enfants qui auront inclus les enfants souffrant d’un handicap dès la petite enfance deviendront des adultes qui incluront les adultes souffrant d’un handicap dans le grand monde.
Bref, une petite place en garderie, une place de géant dans la société.
Joyeux 30e anniversaire à J’me fais une place en garderie. Les quatre jeunes femmes de 1994 sont maintenant seize, toujours jeunes femmes. Oui, ce sont toutes des femmes. La bienveillance est un mot tellement féminin.
Elles méritent qu’on les nomme : Christine Duquette, Valérie Benoit, Isabelle Charbonneau, Nathalie Dubeau, Caroline Girard, Amina Lakhdar, Annie-Claude Rostenne, Maude Lalumière-Cloutier, Annie Chagnon, Véronique Lizotte, Claudia Laplante, Marie-Ève Hudon, Isabeau Lalonde, Nadine Joseph, Nahomie Guerrier et Stéphan Soumah.
C’est bien beau une carte, mais ça prendrait aussi un cadeau. On peut s’impliquer, devenir membre, faire du bénévolat, faire un don. Les temps sont durs pour les associations qui font du bien1.
Et le cadeau perso des intervenantes ? C’est le sourire des enfants et le soulagement des proches. C’est quand des parents leur écrivent qu’un soir, quand leur fils multi-handicapé est rentré de la garderie, ils ont trouvé dans son sac à dos une carte d’invitation pour aller à l’anniversaire d’un autre enfant.
Il y a des anniversaires qui changent une vie.
Il y a des anniversaires qui changent des vies.
Sources :
Laporte, Stéphane (2024, 13 oct.). « Une place en garderie, une place dans la vie ». La Presse [Journal], sur le site lapresse.ca